C'est une belle question taboue dans notre pays, quasiment jamais posée par les responsables politiques de notre pays.
Le seul dont j’ai lu dernièrement quelques lignes à ce sujet est Michel Rocard.
C’était cet été dans le JDD. Je vous les livre : « L’élection présidentielle n’est plus le choix d’un Président, mais l’étalonnage de tous les courants de pensée. La chance pour un candidat de figurer au second tour n’est liée qu’au degré d’exposition de son camp ! Il est temps, pour calmer le jeu, de trouver un autre système que le suffrage universel direct pour élire notre Président. Ou bien on ne lui laisse que des pouvoirs symboliques, ou bien on le fait élire par le Parlement. »
Plus ça va, plus je partage cette orientation. Certes on dit les Français attachés à ce système. Mais ce système est délétère pour la vie publique et mortifère pour les partis politiques. De Gaulle voulait un président de la République « au-dessus des partis », c’est plus que réussi, car ce système tue les partis. Et les partis politiques, quoiqu’on en dise, sont le fondement de la démocratie. C’est l’outil nécessaire et incontournable de régulation des paroles individuelles en orientations définies collectivement.
Et Michel Rocard pointe fort justement la question du premier tour de l’élection.
2002 a eu au moins de mérite de nous montrer les limites du système.
Le passage du 1er tour, cette « condition nécessaire mais pas suffisante » comme l’on dit en mathématiques, incite tous les candidats (ou au moins ceux qui ont pour objectif d’être élu) à une dérive populiste.
Pour les représentants des « grands » partis, se limiter à rassembler son camp au premier tour peut signifier de ne pas se retrouver au second. Il est donc nécessaire de séduire au-delà. Et, à partir de là, toutes les dérives sont possibles.
Lionel Jospin l’avait fait avec beaucoup de maladresse en disant que « [son] projet [n’était] pas socialiste ». Le problème est qu’il l’a dit sans le faire, alors que bien évidemment les règles du jeu imposent le contraire !
Sarkozy le fait avec beaucoup de cynisme en faisant régulièrement des clins d’œil à l’extrême droite, sur l’immigration notamment (il vient de convoquer l’ensemble des préfets pour leur demander de faire du chiffre sur les reconduites à la frontière), mais aussi parfois à gauche (sur la double peine par exemple). Et il vient d’ailleurs être rappelé à l’ordre par son mentor Edouard Balladur, car il s’éloigne actuellement de sa ligne libérale juste avant le grand saut.
Et, puisqu’il s’agit aussi de balayer devant sa porte, les déclarations de Ségolène Royal sur la sécurité ne sont sans doute pas étrangères à tout cela.
L’élection présidentielle au suffrage universel à deux tours conduit inéluctablement à choisir entre garder son âme ou se faire élire. Certes, quelques « grands » ont réussi à y échapper, mais tout le monde ne s’appelle pas De Gaulle ou François Mitterrand. Et ces deux-là – leur force était sans doute qu’ils ne le faisaient pas qu’au moment des élections – étaient tout de même des génies dans l’utilisation de l’ambiguïté et dans la gestion du temps.
Alors regardons les autres systèmes politiques européens. Acceptons l’idée que nous sommes l’exception. Constatons que cela n’empêche en rien de grands débats entre les personnalités susceptibles de diriger le pays (regardons les campagnes allemandes ou britanniques par exemple). Et osons enfin poser la question de la légitimité de notre système.
Et alors, sait-on jamais, peut-être qu’une large majorité prendra enfin conscience de ses limites et remettre en cause cette institution dans nos institutions.
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