Moultes polémiques ont accompagné la création du « Défenseur des droits » qui remplace désormais plusieurs instances qui avaient prouvé leur efficacité et qui faisaient l’unanimité : le Médiateur de la République, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et le Défenseur des enfants. La suppression de cette dernière institution notamment – il demeurera bien un Défenseur des enfants, mais qui ne sera en fait qu’un simple adjoint du Défenseur des droits – a suscité de très nombreuses réactions négatives et un débat houleux au Sénat, au sein même de la majorité.
Pourtant la nomination d’un Défenseur qui s’assure que la puissance publique respecte les droits et libertés des individus et qui peut être saisi par « toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public » (nouvel art. 71-1 de la Constitution) constitue a priori un progrès. D’ailleurs, des institutions similaires existent déjà largement en Europe et souvent depuis longtemps. C’est le modèle de l’« Ombudsman » apparu en Suède dès le début du 19e siècle et qui s’est ensuite diffusé, sous des noms divers (cf. Defensor del Pueblo en Espagne), d’abord dans les pays scandinaves, puis en Allemagne, dans la péninsule ibérique, etc.
Alors pourquoi ces critiques ? Rappelons d’abord que le principe constitutionnel qui a présidé à la formation de cette nouvelle institution est pour le moins contestable. Dans tous les pays évoqués ci-dessus, le Défenseur (l’Ombudsman) est désigné par la ou les chambres composant la représentation nationale, ce qui correspond à la conception classique de la séparation des pouvoirs. En effet, le Défenseur devant exercer une mission de contrôle des administrations et des services publics, donc de l’exécutif, il ne peut logiquement procéder que de la représentation nationale dont c’est justement l’une des fonctions. Or, en France, le Défenseur est nommé par le Président de la République, c'est-à-dire par le chef de l’exécutif, c’est donc une émanation de l’exécutif qui est chargée de contrôler l’exécutif. Il y a là une « anomalie » pour ne pas dire davantage.
Le risque d’une diminution de la protection des droits et des libertés est également souligné. Le dispositif retenu prévoit ainsi que le Défenseur doit être assisté de collèges qui reprennent les périmètres d’intervention de la HALDE, du CNDS et du Défenseur des enfants. Le remplacement d’organismes indépendants, clairement identifiés, dont les modalités de fonctionnement étaient connues, par de vagues commissions qui se réuniront (ou pas) et dont les délibérations n’engageront pas le Défenseur ne semble pas, en effet, être le gage d’une efficacité accrue !
Enfin, les nominations effectuées depuis le mois de juin éclairent, s’il en était besoin, sur la volonté du pouvoir. La désignation à ce poste de Dominique Baudis, militant engagé à droite (après avoir été longtemps député-maire de Toulouse, il était encore en juin député UMP au parlement européen), mais personnalité respectée, aurait pu rassurer l'opinion sur la possible reprise en main qui apparaissait dans cette opération si elle n’avait été suivie par d’autres qui ne laissent pas de doute sur les motivations du Président de la République et de la majorité. Ainsi, 6 élus ont été désignés pour siéger dans les collèges cités précédemment. On pouvait imaginer que sur le nombre, la diversité du paysage politique français aurait été prise en compte. Il n’en a rien été : ces 6 élus sont tous étiquetés UMP ! CQFD. Nicolas Sarkozy n’admet les contre-pouvoirs que s’il peut les contrôler, ce qui est précisément le contraire de la définition d’un contre-pouvoir.
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