Non, il m’est impossible de m’habituer à la misère.
Oui, la situation empire d’année en année.
L’hébergement des sans domicile est naturellement de la seule compétence de l’Etat.
Le Maire de Paris est prêt à y contribuer mais il ne peut pas légalement se substituer aux services de l’Etat sur ces questions.
Fort justement, Bertrand Delanoë a interpellé le nouveau Premier ministre sur la question.
Fort justement, il en a fait le premier sujet à négocier avec le Gouvernement.
Voici le contenu de ce courrier :
Le Maire de Paris
Paris, le 29 mai 2007
Monsieur le Premier Ministre,
Je souhaite attirer votre attention personnelle sur la situation dramatique des sans abri.
Le précédent Gouvernement avait pris des engagements le 8 janvier 2007, en réponse à la charte élaborée par les Enfants de Don Quichotte, notamment celui de créer 14 000 places d’hébergement supplémentaires de qualité, adaptées à la diversité des besoins.
A peine 400 ont été créées de façon pérenne à Paris et dans la couronne. Or je réclame en vain depuis plusieurs années la création de 5000 places nouvelles dans l’agglomération parisienne, dont 1500 à Paris et 3500 en banlieue, notamment dans les communes déficitaires de l’Ile de France. La Ville de Paris dispose en effet d’une place pour 470 habitants contre une pour 1718 en moyenne dans les autres départements d’Ile de France.
J’observe que, en dépit de la mission confiée par le précédent Gouvernement à M. Périssol, l’acquisition d’immeubles destinés à créer des capacités nouvelles a échoué, faute de moyens financiers, alors même que l’Etat continuait ses cessions d’immeubles de prestige et de logements. Il faut que l’Etat investisse les moyens nécessaires pour acquérir, dans des quartiers qui ne sont pas socialement dégradés, des immeubles pouvant accueillir des centres d’hébergement. C’est une responsabilité de l’Etat au titre de la solidarité nationale et de l’urgence sociale, mais la Ville de Paris y participera, comme elle l’a fait depuis 2001. En effet c’est la Ville qui a trouvé la quasi-totalité des opportunités foncières pour les nouveaux centres (Trévise, Charonne, Frémicourt, Buci…), et elle cofinance systématiquement tous les travaux.
De même, il est urgent d’améliorer le fonctionnement du dispositif de prise en charge des sans abri. Les Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales sont exsangues et n’ont pas les personnels suffisants pour coordonner ces politiques.
Il faut en particulier renforcer les moyens des équipes de rue. Les maraudes pédestres, comme celles d’Emmaüs et du Cœur des Haltes, qui sont cofinancées et coordonnées par l’Etat, n’ont pas les moyens d’aller au devant de toutes les personnes dans la rue.
Il faut aussi développer les équipes mobiles psychiatriques. Un nombre important de personnes ayant des problèmes psychiatriques graves ont perdu leur domicile et sont en rupture de soins. Il est de la responsabilité de l’Etat, qui est en charge de la psychiatrie, de renforcer ces équipes et d’encourager les Hôpitaux Psychiatriques à suivre les malades accueillis dans des maisons relais ou des centres d’hébergement adaptés. A Paris, presque rien n’a été fait pour encourager ce type d’initiatives, qui reposent sur la bonne volonté de quelques médecins.
Chaque personne doit recevoir l’écoute, l’accompagnement, les soins, et l’hébergement adaptés à sa situation. L’occupation croissante de l’espace public (jardins, trottoirs, berges de la Seine et du canal Saint Martin, talus du périphérique...) est le résultat de l’inertie des pouvoirs publics, qui a des conséquences dramatiques sur les personnes dont l’état se dégrade, et sur la vie en commun dans la cité.
Enfin, j’attire votre attention sur le fait que de plus en plus de personnes arrivent à Paris dans le cadre de filières de travail clandestin et dorment dans des abris de fortune en se faisant embaucher au jour le jour. Or l’action de l’Etat pour réprimer cet esclavage moderne et démanteler ces réseaux s’est avérée totalement inefficace dans l’agglomération parisienne. De plus en plus de personnes des nouveaux pays membres de l’Union Européenne arrivent sur notre territoire en fuyant la misère, sans que les mesures aient été prises, en lien avec leur pays d’origine et dans le cadre de l’Union Européenne, pour prévenir cette situation.
La Ville de Paris attend de l’Etat un effort à la mesure d’un problème humain grave, dont les proportions grandissantes imposent aux pouvoirs publics nationaux comme aux collectivités territoriales d’engager une action urgente et de grande envergure.
Je souhaite, dans cette perspective, m’entretenir avec vous de ce sujet.
Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de ma considération distinguée.
Bertrand DELANOË
Monsieur François FILLON Premier Ministre Hôtel Matignon 57 Rue de Varenne 75007 PARIS
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