Quitte à paraître un peu « vieillot » ou un « quadra » un brin nostalgique, j'ai eu un vrai pincement au cœur en lisant un article du « Magazine du Monde » intitulé « Que reste-t-il de Pif Gadget ? ».
La rédaction a recensé ainsi 120 sapins, offerts par le célèbre illustré, qui prospèrent encore en France et même à travers le monde. En effet, un tout petit épicéa était donné en même temps que le numéro 347 du journal pour enfant « Pif Gadget », en 1975 - je n'avais pas tout à fait 8 ans. C'est d'ailleurs bizarre, j'étais persuadé que ce n'était pas la seule année où un sapin était le gadget de la semaine.
Évidemment, avec mon cousin Laurent, nous l'avions planté consciencieusement, chacun dans un pot, sur le balcon de nos grands-parents et, bien entendu, nos deux sapins étaient morts rapidement.
Pourtant qui n'a pas connu cette époque ne peut savoir combien nous attendions tous, du moins les garçons, avec impatience, la parution hebdomadaire de notre
« Pif Gadget ».
C'est avec une certaine fébrilité que nous nous précipitions le jeudi ou le vendredi matin, je ne me souviens plus très bien, chez le marchand de journaux pour connaître la suite des aventures de nos héros et surtout pour découvrir le nouveau cadeau contenu dans la livraison du jour car ce qui faisait la spécificité de « Pif Gadget », c'était précisément le gadget offert avec chaque numéro.
Oh, n'imaginez rien de spectaculaire, ces présents étaient modestes, mais ils ont souvent émerveillé les enfants que nous étions et nous ont laissé bien des souvenirs.
Si, si, rappelez-vous, chers lecteurs quarantenaires : le stylo microscope qui nous permettait de découvrir en gros plan nos empreintes digitales, le sous-marin qui montait et descendait dans la baignoire et nous initiait ainsi aux lois de la physique ou les petits pois sauteurs du Mexique (peut-on imaginer aujourd'hui, la surprise qui était la nôtre quand, l'oreille appliquée sur la petite boîte, nous entendions sauter les fameux pois en songeant qu'ils venaient d'un pays fabuleux, situé loin, très loin au-delà des mers ?).
Il faut reconnaître aussi que, malgré la légende, tous les gadgets ne marchaient pas, mais beaucoup nous ont ravis et, chez certains, ils ont même suscité des vocations.
Cet appel aux sapins survivants, lancé dans « Le Monde », me rappelle aussi le premier éveil de ce qui sera plus tard « ma conscience politique ». En effet, « Pif Gadget » était lié aux publications proches du Parti communiste : Dr Justice ou Rahan étaient deux héros récurrents du journal qui combattaient inlassablement pour le bien.
Dans les derniers temps de la préhistoire, Rahan, allait ainsi de clan en clan, professant une forme de tolérance, luttant contre le racisme et l'injustice et distillant, aventure après aventure, une sorte de morale fondée sur la croyance en l'homme et au progrès. Un humanisme avec la conviction que les lendemains peuvent chanter si nous savons dépasser nos peurs, nos préjugés et nos égoïsmes. Une sorte de morale républicaine, en somme, qui gagnerait à revenir à la mode aujourd'hui, dans des temps qui ne sont pas moins farouches que ceux dans lesquels vivait « le fils de Crao ».
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