Je vous présente ci-dessous mon intervention lors du dernier Conseil de Paris à l'occasion du débat sur les hauteurs à Paris.
Je vous propose aussi de regarder différents articles parus dans la presse sur ce même sujet.
Conseil de Paris de juillet
2008 – débat sur les hauteurs
Monsieur de Maire, chers collègues,
Aujourd’hui commence
officiellement le débat sur les hauteurs. Le 13e arrondissement est
directement concerné puisqu’il est proposé d’implanter un immeuble de grande
hauteur dans le quartier Masséna-Bruneseau, quartier pour l’instant peu urbanisé.
J’ai une crainte : le débat
tel qu’il est abordé, ou en tout cas retranscrit dans la presse a, j’en ai
peur, un caractère un peu confus. Si la question est correctement posée dans la
délibération qui nous est présentée, je ne la retrouve pas, pour l’instant,
dans le débat public.
Aussi, avant d’aborder plus précisément
le quartier du 13e concerné, je me permettrai 5 remarques.
D’abord, mes chers collègues, il
ne s’agit pas de savoir si l’on va construire de nouvelles tours à Paris. Cette
question est déjà derrière nous. Des projets sont déjà décidés ou même démarrent.
L’hôtel Estrel de Saint-Denis,
les tours du pont d’Issy, le remplacement de la tour EDF par la tour Mozart en
bordure du périphérique, sans même parler des différents projets de la Défense,
la tour Phare, la rénovation et rehaussement de la tour Axa et maintenant le
projet de Jean Nouvel.
A votre avis, vu de l’étranger,
ne sont-ce pas des projets parisiens ? Il n’y a que nous pour percevoir
les frontières administratives de la Ville de Paris.
2e remarque, mes chers
collègues, le velum de Paris n’est pas intangible.
Et convenons ensemble que l’emblème
de Paris, c’est une tour et c’est aussi devenu le monument le plus visité au
monde.
Remarquons aussi que la première
tour d’habitation construite à Paris – je la connais bien, puisque la tour
Albert, construite en 1960, est dans le 13e – a été classée monument
historique. Elle ne semble donc pas dénaturer le paysage.
Mais ne nous voilons pas la face,
Paris a aussi en la matière connu des expériences malheureuses, de grosses
fautes même, où des objets isolés ont été posés sans lien avec le sol, déconnectés
de leur environnement.
Pour autant, et ce sera ma 3e
remarque, arrêtons ces faux débats. Oui, le vélum parisien a été globalement
bien respecté au fil des siècles. Et cela permet à Notre-Dame et à la tour
Saint-Jacques d’émerger.
Il convient aujourd’hui d’agir en
responsabilité et notre réflexion se limite, à juste titre, dans des lieux situés
en bordure du périphérique.
4e remarque et là
aussi évitons les faux débats entre nous, il ne saurait être question de courir
ni après une pseudo-modernité – les premières tours ont plus d’un siècle – ni
après des records ou une concurrence avec d’autres villes.
Il serait d’ailleurs bien
illusoire de vouloir rattraper Shanghai qui compte plus de 7000 immeubles de
grande hauteur, Hong-Kong pas moins de 7700 ou même Frankfort qui organise
maintenant chaque année un festival pour ses nombreux gratte-ciel avec plus de
800 000 visiteurs.
De la même façon, et pas plus que
la course au nombre, il ne s’agit pas d’une une course à la hauteur. Personne
n’envisage des tours de plus de 700 mètres, comme celle projetée à Dubaï ou
celle qui va remplace le World Trade Center. Ce ne sera pas non plus les 500 mètres
de la tour de Taipei ou les 400 mètres de Kuala Lumpur. Nous ne sommes pas dans
une compétition.
5e remarque enfin,
n’appelons pas tout et n’importe quoi une tour. Quand nous réfléchissons à des
immeubles de logements au-dessus du plafond de hauteur de 37 mètres, mais en
dessous de la réglementation IGH des 50 mètres, on parle d’immeubles de 15-16 étages,
la moitié de ce qu’on appelle tour dans le 13e et 10 fois moins
grands que les édifices que je viens de mentionner.
Doit-on dénommer tour tout ce qui
a plus de 10 étages ? Ce serait évidemment absurde.
Selon la définition de l’ingénieur
et des « vrais gens », un immeuble devient une tour à partir
d’environ 100 mètres, soit 30 à 33 étages.
Ces remarques ont pour objet, mes
chers collègues, de souligner que la question des tours, des gratte-ciel, des
villes volantes, des totems, des propylées ou autres objets phalliques que dénonçaient
certaines féministes dans les années 70, n’est pas la question centrale.
Au mieux, et si le débat public
que nous allons engager nous conduit en ce sens, on ne parlera que d’une poignée
de vrais tours, en bordure du périphérique.
Et ce ne seront pas les
maisons-tours dont parlait Auguste Perret en 1922, puisque si tours il y a,
elles seront réservées à d’autres fonctions que le logement.
Donc la question n’est pas celle
des tours mais, vous l’avez compris, la question du choix de l’urbanisme, et de
la possibilité de jouer sur les hauteurs et les densités.
Et pour, ce faire : y
a-t-il, ou non, un intérêt de s’affranchir du plafond du PLU sur certaines
zones ?
Et de cette question centrale en
découlent 3 autres questions :
1- Ces variations de hauteurs
peuvent-elles nous donner les moyens de réaliser plus de logements mais aussi
plus d’équipements publics, d’espaces verts, une meilleure qualité urbaine et
environnementale ?
2 - Concentrer des bureaux ici,
peut-il nous permettre de disposer de plus d’espaces pour d’autres
fonctionnalités ailleurs ?
3 - Ces variations de hauteurs
peuvent-elles apporter un cachet urbanistique aux quartiers concernés. Bref,
jouer avec encore plus de libertés, selon la voie des ilôts ouverts
remarquablement réalisée par Christian de Portzamparc à proximité.
Je conclurai en évoquant le
quartier concerné du 13e, Masséna-Bruneseau. Un lieu à Paris, en
bord de Seine et aujourd’hui presque inutilisé. Un futur quartier de 44
hectares encadré par la porte de Vitry, la Seine, les Maréchaux et la ville
d’Ivry. Un secteur d’avenir, actuellement uniquement dévolu à des voies
automobiles, mais la modification de l’échangeur du périphérique, le déplacement
de l’usine à béton, les couvertures des voies ferrées, vont permettre de réaliser
un nouveau quartier, que le tramway va irriguer dès 2012.
Sur ce territoire chaotique, nous
avons l’occasion d’établir un vrai dialogue avec les communes limitrophes et
entre le 12e et le 13e.
Et, au regard des échelles de ce
quartier, jouer avec les hauteurs est sans doute la façon la plus élégante pour
faire oublier le périphérique.
Mais nous rencontrons une réelle
difficulté.
Nous n’avons toujours pas réponse
concernant l’implantation du Tribunal de Grande Instance dont, je vous le
rappelle, nous avons proposé la construction dans ce quartier Masséna-Bruneseau
et que le Gouvernement de Villepin voulait installer dans le futur quartier
Tolbiac-Chevaleret.
Et oui, Mme Dati, une indécision
bloque actuellement presque tout l’aménagement de Paris-Rive-Gauche. Je vous
appelle donc, Madame la Ministre, à enfin entamer, en responsabilité, une
discussion constructive avec la Ville de Paris.
Pour conclure, mes chers collègues,
osons aborder ce sujet sans esprit manichéen et posons la vraie question, celle
de l’urbanisme de ces quartiers. Nous avons le devoir d’ouvrir ce débat et il
serait irresponsable de l’éviter. Saisissons nous, en lien avec les Parisiens,
de ces questions majeures pour l’avenir de Paris.
Je vous remercie
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